Nigay
Les origines et la création
Originaire de Saône-et-Loire, Jean-Marie Nigay décide de tenter sa chance dans une tout autre branche que celle de l’élevage et en dehors de sa terre natale. Il s’installe, au milieu du 19e siècle, avec un de ses frères, dans le Forez. Il implante sa féculerie à Mornand-en-Forez, sur les rives du Vizézy.
Les débouchés, dans ce secteur d’activité, sont importants. En effet, l’amidon, extrait des pommes de terre, est commercialisé après traitement pour les industries textiles des Monts du Lyonnais (Rozier-en-Donzy, Panissières…), mais aussi du Roannais. En effet, auparavant le coton ne pouvait être tissé qu’une fois enrobé d’une couche de colle faite à base de cette fameuse fécule. Sans cela, il est impossible de travailler cette matière première sans être confronté à de sérieux problèmes de bourres.

Portait de Jean-Marie Nigay en 1902
L’eau et le train : deux facteurs déterminants
Rapidement, Jean-Marie Nigay décide de venir s’établir à Feurs en 1855 et il se rend compte que la cité forézienne est propice à l’épanouissement de sa féculerie. Deux raisons sont déterminantes quant au déménagement et sont reliées entre elles. Il s’agit de l’existence d’un vieux moulin à grains, relié par un bief (le Béal) à la Loise et proche du chemin de fer :
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Grâce au moyen de communication qu’est le chemin de fer, Jean-Marie Nigay peut rapidement exporter et livrer son amidon, notamment à Roanne, ville où il a de très nombreux contacts avec les décideurs du monde textile.
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Grâce au moulin à grains et au bief, la féculerie Nigay peut fonctionner. En effet, il faut de l’eau pour les différentes opérations de traitement de la pomme de terre. Il décide donc de racheter l’ancien moulin de M. du Rozier.

Chaîne de traitement de la pomme de terre

Salle dédiée au traitement de la pomme de terre
Une nouvelle usine forézienne
Le tout nouveau propriétaire fait alors construire des bâtiments adaptés aux besoins de son exploitation, sur 3 hectares, aux murs de briques rouge orangé toujours conservés 170 ans après. Seule une des cheminées, haute de 25 m est détruite en 1989, pour des raisons de sécurité. La foudre s’abat sur son sommet laissant alors apparaître une large fissure.
A l’extérieur du bâtiment, tout un système de vannes et de clapets est mis en place pour canaliser l’eau du Béal. Son énergie motrice est transmise par de larges rigoles pour l’acheminement et le nettoyage des pommes de terre. Par la suite, à l’intérieur du bâtiment, au premier étage, deux vastes salles sont utilisées pour râper et écraser la pomme de terre avant le tamisage. C’est tout un système complexe de poulies, d’axes et de courroies, long parfois de plusieurs dizaines de mètres, et de surcroît en étages, qui permet d’apporter la force nécessaire.
Presque rien n’a changé depuis la fermeture de cette féculerie et cet ingénieux système est encore conservé aujourd’hui dans un bâtiment annexe de l’usine Nigay. Les machines sont théoriquement encore en état de fonction malgré la vieillesse et la poussière.
Grâce à ce système perfectionné, l’entreprise peut vivre en totale autarcie (sur le plan du fonctionnement interne et des réparations). Profitant même du courant hydraulique, une petite usine hydroélectrique est aussi installée, afin de générer du courant en basse-tension. Par ailleurs, par crainte d’un éventuel manque d’eau, les enfants de Jean-Marie Nigay, prévoyants, achètent en 1902, l’étang du Palais, à côté de la route de Lyon.
Le secret de la « Tatoïlle » et les débuts de la glucoserie
Retirée du stockage, la pomme de terre est d’abord lavée avant que ne débutent des opérations bien spécifiques pour la fabrication de la fécule et le tamisage. Il faut éliminer la cellulose, l’albumine, les sels minéraux de l’hydrate de carbone (fécule). L’apport de l’eau, en grande quantité, est absolument impératif pour la réalisation de la fécule.
Aux alentours de 1925-1930, la féculerie se développe avec des contrats de culture en fournissant des plants de pommes de terre. En 24h, l’usine a besoin de 200 tonnes de pommes de terre pour en extraire 40 000 kg de fécule. La féculerie fonctionne sans interruption, nuit et jour, pendant près de 3 mois (65 personnes se relaient). L’activité est saisonnière, d’octobre à décembre.
En 1910, l’activité de l’entreprise Nigay s’étend à la production de sirop de glucose. En effet, Georges Guichard épouse Léonie Nigay et intègre l’entreprise. Sous son impulsion, il développe des recherches sur le glucose, avec ses deux beaux-frères. Glucoserie et féculerie vont ainsi cohabiter pendant de nombreuses années.
Une source d’eau minérale en plein cœur de l’entreprise
Comme l’eau est l’élément indispensable pour la vie d’une féculerie, des recherches ont été entreprises avant les années 1950. En 1948, un forage, de près de 260 mètres, permet d’extraire de l’eau (qui jaillit à 22°C) en quantité non négligeable. Le débit horaire de 8 000 litres pouvant être élevé à 40 000 par un système de pompage.
Malheureusement, cette eau s’est avérée être minérale. Proche de la source de Sail-sous-Couzan, elle ne peut pas servir à laver les pommes de terre, puisqu’elle est trop chargée en sel pour la fabrication de fécule ou glucose.
De la fécule de manioc au changement de production
Dans les années 1950, en complément de la féculerie de pommes de terre, une production de fécule de manioc est mise sur pied. Cette fécule africaine est alors très appréciée. Elle est la base pour la réalisation de certaines colles à papier. L’entreprise Nigay en exporte jusqu’aux USA pour des fabrications d’entremets.
Alors que dans les années 1960 une période de grande sécheresse engendre de très mauvaises récoltes de pommes de terre, il est impératif pour la survie de l’usine, de trouver une activité complémentaire. L’approvisionnement de la féculerie est, au fil des ans, de plus en plus insuffisant. Il est alors envisagé une politique de reconversion sans toutefois abandonner la pomme de terre.
En effet, à cette époque, seul le négoce de glucose fonctionne. L’entreprise Nigay voit alors une page décisive de son histoire et c’est en 1973, avec le rachat de « Monbron et Bon » (fabrique parisienne de caramels colorants et aromatiques) que François Nigay dirige sa société vers un nouveau créneau. Dès lors, la féculerie est totalement abandonnée pour se concentrer sur la fabrication de caramel.
Le développement exponentiel de la caramellerie
Faite à base de sucre venu de France et de sirop de glucose importé de Belgique, la production de caramel se mécanise durant la décennie 1980. Parallèlement, Nigay entre sur le marché laitier, principal consommateur de caramel. En moins de dix ans, la production des trois cuiseurs au fuel et à vapeur de l’entreprise passe de 2 000 à 12 000 tonnes.
En 1992, le rachat de la branche « caramel » de la société Lafernod coïncide avec l’ouverture d’un second atelier de cuisson, électrique celui-ci. Avec de telles infrastructures, et après avoir conquis la première place du marché français des caramels aromatiques, la firme forézienne s’est ouverte vers l’export.
Avec plusieurs centaines de clients internationaux, la société reçoit même le prix « Classe Export » en 2001. Le développement de l’entreprise ne cesse de continuer, puisque 2008 marque la mise en service d’un troisième atelier de fabrication à Feurs. En 2022, un deuxième site de production est inauguré à Nesle (Somme).
Six générations se sont succédées à la tête de l’entreprise, qui est aujourd’hui spécialisée dans quatre types de caramels : aromatiques (sauces, produits laitiers …), colorants (charcuteries, sodas, bières…), burnt sugars (pet-food, pains, plats cuisinés…) et caramels spécialités (pâtisseries, chocolats, glaces…).

Cuisson du caramel